Comment matérialiser le lien qui unit deux danseurs ? Au-delà des fantasmes, des projections, comment donner forme à tout ce qui se dépose, ce qui se transmet et circule dans l’espace lorsque des corps se mettent en mouvement ensemble ? Afin de sonder cette relation à la fois impalpable et intime, Michael Pomero et Marie Goudot sont partis de leur propre vécu – de couple et d’interprètes ; de la connaissance profonde qu’ils ont de leur propre corps et du corps de l’autre, des liaisons, des zones de trouble, de vertige, des nombreux vocabulaires qu’ils ont traversé ensemble tout au long de 28 ans de vie chorégraphique.
Afin de produire une expérience immersive et perceptible de cette attache, ils ont décidé d’avancer à l’aveugle, et de laisser une voix influencer la fabrique du mouvement. Voix extérieure, parole complice guidant leurs pas, leurs suspensions, modelant leurs élans, aiguillant leurs imaginaires. Inspirés de la performance de Vito Acconci, Association Area, After Hannibal produit une aire associative ouverte, un territoire de projections où leurs corps réagissent, interagissent, traduisent à leur manière ces impulsions créées et dispersées par le langage. Double opération de traduction : de ce que les mots fabriquent en soi et pour l’autre – qui se manifeste par une chorégraphie sur le fil, où les mots, les images et le mouvement qu’ils génèrent ne cessent de se renvoyer la balle dans une boucle de feedback continue.
Eyes wide shut, leurs yeux fermés, grands ouverts sur l’intérieur, ils matérialisent une image de l’attachement. Transformant une contrainte en strate de lisibilité des corps, After Hannibal cherche à rendre visible ce qui reste d’ordinaire invisible : l’invention et la propagation des gestes dans l’espace ; la manière dont deux corps se synchronisent, s’isolent, se mettent à l’unisson, glissent, chutent, se relèvent – et dansent, au-delà du paraître.